Ce mode de rupture implique la saisine du juge prud’homal par le salarié. En effet, le salarié qui rompt son contrat en invoquant les torts de son employeur va devoir saisir le Conseil des prud’hommes pour faire constater les fautes de son employeur.
Ce type de rupture est à double tranchant pour le salarié. En effet, deux hypothèses sont possibles : soit le Conseil de prud’hommes considérera que les faits reprochés à l’employeur ne sont pas suffisamment graves et la rupture sera requalifiée en démission, soit il donnera raison au salarié et requalifiera la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse aux torts de l’employeur afin d’allouer des indemnités au salarié.
Les conditions pour prendre acte de la rupture de son contrat
Chaque salarié en CDI peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail dès lors qu’il ne se trouve plus en période d’essai.
La prise d’acte est conditionnée à l’existence d’un manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail. Les fautes de l’employeur invoquées par le salarié doivent être d’une gravité suffisante pour conduire à la rupture immédiate du contrat de travail. Les juges apprécient strictement cette condition.
Sont considérés comme des manquements graves de l’employeur :
- une décision discriminatoire pris par l’employeur (par exemple : refus de l’octroi d’une prime pour des raisons liées au sexe du salarié)
- des faits de harcèlement moral ou sexuel commis par l’employeur
- le non-paiement des salaires (mais un simple retard dans le paiement ne justifie pas une prise d’acte car la jurisprudence estime que ce n’est pas une faute « suffisamment grave »)
- non respect du salaire minimum (Smic ou salaire minimum conventionnel)
- le manquement de l’employeur a son obligation de sécurité (par exemple : non-respect des préconisations du médecin du travail interdisant le port de charges lourdes pour un salarié)
Les démarches à effectuer par le salarié
Lorsque le salarié prend acte de la rupture aux torts de son employeur, il doit lui envoyer un courrier l’informant qu’il rompt son contrat de travail. Cette lettre doit préciser les fautes qui sont reprochées à l’employeur car la prise d’acte doit être motivée. Pour des raisons de preuve, il est préférable d’envoyer ce courrier en LRAR.
Le salarié devra ensuite rapidement saisir le Conseil des prud’hommes pour que celui-ci se prononce sur la prise d’acte. Le bureau de jugement du Conseil des prud’hommes doit statuer dans un délai d’un mois.
Les risques de la prise d’acte
La prise d’acte est une procédure de rupture risquée pour le salarié car elle dépend du jugement du Conseil des prud’hommes.
En effet, si les juges considèrent que l’employeur a commis un manquement suffisamment grave justifiant la rupture du contrat de travail, cette rupture sera requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse afin que le salarié puisse être indemnisé.
En revanche, s’ils estiment que la faute de l’employeur n’est pas suffisamment grave et que la poursuite du contrat de travail était possible, la rupture sera requalifiée en démission du salarié et il n’aura droit à aucune indemnité de rupture, ni aux allocations chômage.
Il est donc vivement conseiller d’aller consulter un inspecteur du travail avant de prendre acte de la rupture de son contrat. Ce dernier pourra renseigner le salarié et lui dire si les faits qu’il reproche à son employeur sont d’une gravité suffisante pour rompre le contrat.
Les conséquences de la prise d’acte pour le salarié
1) Les conséquences sur le contrat de travail
L’absence de préavis à effectuer
La prise d’acte de la rupture est immédiate. En effet, dès lors que le salarié remet la lettre à son employeur l’informant qu’il rompt son contrat à ses torts, le contrat sera rompu. Aucun préavis n’aura à être effectué par le salarié.
La remise par l’employeur des documents de fin de contrat
L’employeur devra établir et remettre sans tarder les documents de fin de contrat à son salarié. Le salarié devra se voir remettre son certificat de travail et une attestation pôle emploi. En revanche, aucune indemnité ne sera versée tant que le Conseil des prud’hommes n’aura pas rendu sa décision. Le salarié devra attendre le jugement du Conseil de prud’hommes pour obtenir son solde de tout compte et éventuellement des indemnités de rupture (lorsque la rupture a été requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse).
2) Les conséquences sur les indemnités
Le versement d’indemnités dépendra de la décision du Conseil des prud’hommes.
Si la rupture est requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, car les juges estiment que la prise d’acte est justifiée (l’employeur a commis un manquement suffisamment grave), le salarié aura droit à :
- des indemnités de licenciement
- des indemnités de congés payés
- des indemnités de préavis
- des indemnités pour licenciement fautif (sans cause réelle et sérieuse)
Si la rupture est requalifiée en démission, car les juges ont estimé que la prise d’acte n’était pas justifiée, le salarié n’aura droit à aucune indemnité de la part de son employeur. Au contraire, c’est lui qui devra verser des indemnités de préavis à son employeur pour réparer le fait qu’il a rompu son contrat immédiatement sans effectuer de préavis.
3) Les conséquences sur les allocations chômage
Dès la fin du contrat, Pôle emploi ne pourra verser immédiatement des allocations chômage au salarié qui a pris acte de la rupture de son contrat. En effet, il faudra là encore attendre la décision judiciaire. Tant que la rupture n’est pas requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié ne pourra percevoir d’allocations chômage.